Par Lucie Delaporte dans Mediapart | Publié le 07.12.2023


Très attendue, la proposition de loi transpartisane visant à réguler les meublés de tourisme devait être votée mercredi. Avec des arguments en défense des « petits propriétaires » et une solide rhétorique climatosceptique, droite et extrême droite ont empêché le vote.

Cette fois, ce devait être la bonne. Alors que le gouvernement a promis depuis près de deux ans une régulation des locations de meublés touristiques, type Airbnb, la proposition de loi transpartisane visant à « remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue » est enfin arrivée dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, mercredi 6 décembre, pour être votée.

Après six heures de discussion en commission, le texte, qui vise à revenir sur la niche fiscale qui a dopé ce type de location et qui entend le soumettre aux mêmes obligations en matière de rénovation énergétique, avait fait l’objet d’un assez large consensus.

Ces dernières années, des maires de toutes étiquettes, ont fait le constat que l’explosion des meublés de tourisme a siphonné le marché locatif et favorisé l’envol des prix dans leurs communes.

Au printemps, la même proposition de loi avait été retirée in extremis de l’ordre du jour de l’Assemblée, marquant un certain embarras de la majorité présidentielle sur le sujet. Le texte déposé par le député socialiste Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques) et la députée Renaissance Annaïg Le Meur (Finistère) avait cette fois toutes les chances d’être adopté.

C’était sans compter l’opposition farouche des députés Rassemblement national (RN) et Les Républicains (LR), qui ont tout mis en œuvre pour torpiller la proposition de loi. Les deux groupes politiques ont déposé une avalanche d’amendements, parfois sans grand rapport avec le texte, tout en multipliant les incidents de séance et les demandes de rappel au règlement, dans une logique d’obstruction assumée.

« Une attaque systématique au droit de propriété », selon le RN

Très en verve, le député RN du Vaucluse Hervé de Lépineau a d’abord fustigé « l’archétype d’une loi de gauche avec une attaque systématique au droit de propriété ». L’ancien suppléant de Marion Maréchal a ensuite expliqué aux rapporteurs qu’ils voulaient, par cette loi, « déposséder les Français de leur propriété pour pouvoir créer ce que les marxistes léninistes n’ont jamais obtenu, c’est-à-dire faire en sorte qu’il n’y ait plus de propriétaires en France, qu’il y ait une grande foncière d’État ».

Avec des accents souvent climatosceptiques, droite et extrême droite s’en sont prises – plus largement – aux obligations de rénovation énergétique des logements qui, à leurs yeux, sont une nouvelle manière de saigner les petits propriétaires. « Beaucoup de petits propriétaires ne peuvent se permettre d’engager de tels frais », a expliqué le député Hervé Falcon du RN, avant de rappeler que « la France, c’est 0,9 % des émissions de CO2 dans le monde ». Démontrant la totale absence de sérieux sur le sujet du RN, le même a lancé : « Une passoire thermique en bord de mer, je ne vois pas où est le problème. »

Chez LR, c’est essentiellement l’inquiétude pour les retombées économiques dans les villes touristiques qui s’est exprimée. « Ces résidences sont le moteur économique de nos montagnes », a ainsi plaidé la députée LR Émilie Bonnivard. Le MoDem a, quant à lui, déposé un amendement pour maintenir la niche fiscale dans les zones touristiques. C’est-à-dire là où les locations de meublés de courte durée font le plus de dégâts. Comprenne qui pourra.

Côté La France insoumise, le député François Piquemal a raillé le « RNbnb » soudainement « en défense d’une grande société financière qui incarne l’ordre ultralibéral ». Peu avant minuit, la discussion commençait à s’enliser rendant impossible d’arriver à un vote sur cette proposition. Le texte devrait être remis à l’ordre du jour fin janvier. « C’est très frustrant mais je suis sûr que ce n’est que partie remise », assure le député Iñaki Echaniz, interrogé par Mediapart.